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La génétique affine ses recherches : de nouveaux gènes liés à la fibromyalgie identifiés

Longtemps considérée comme un « puzzle » médical, la fibromyalgie voit sa composante biologique se préciser. Si la recherche explore de nombreuses pistes (auto-immune, microbiote), la piste génétique vient de recevoir un éclairage significatif.

Deux études d’association pangénomique (GWAS) récentes, menées à très grande échelle, ont identifié de nouvelles variantes génétiques associées à la maladie, renforçant l’hypothèse d’un trouble du système nerveux central.

Attention : Ces deux études sont actuellement au stade de « pre-print ». Cela signifie qu’elles ont été rendues publiques pour accélérer le partage scientifique, mais n’ont pas encore été validées par un comité de lecture indépendant (évaluation par les pairs). Les précautions d’usage sont donc de mise.

Les études d’association pangénomique (GWAS) sont des outils statistiques puissants. Elles analysent le génome de centaines de milliers (ici, des millions) de personnes pour trouver des variations génétiques statistiquement plus fréquentes chez les personnes atteintes d’une maladie que chez les témoins.


Étude 1 (Wainberg et al., Toronto)

Cette méta-analyse, portant sur plus de 2,5 millions d’individus, a identifié 26 nouveaux loci de risque (des emplacements spécifiques sur les gènes).

  • Le gène HTT (Chassetine) : L’association la plus forte a été trouvée avec une variante du gène HTT. Ce gène est principalement connu car sa mutation majeure est la cause de la maladie de Huntington. Il est important de noter qu’il ne s’agit pas ici de la même mutation, mais d’une variation différente sur le même gène.
  • Autres gènes neuronaux : D’autres gènes identifiés (GPR52, CAMKV, DCC, DRD2/NCAM1) jouent tous un rôle connu dans le fonctionnement des neurones.

La conclusion de cette équipe est que l’héritabilité de la fibromyalgie semble « exclusivement enrichie dans les tissus cérébraux », pointant vers une origine neurologique centrale.

Étude 2 (Gelernter et al., Yale)

Cette seconde étude d’envergure a identifié 10 loci significatifs (chez les participants d’ascendance européenne).

  • Confirmation : La plupart de ces emplacements étaient déjà connus pour être associés à la perception de la douleur ou à la fonction cognitive.
  • Une piste mixte ? Fait intéressant, l’étude note également que certains de ces gènes sont aussi impliqués dans la réponse auto-immune, faisant écho à d’autres pistes de recherche actuelles.

Ce que cela signifie (et ne signifie pas)

Ces études ne disent pas que « le gène HTT cause la fibromyalgie ».

Elles démontrent qu’il existe une architecture génétique complexe, impliquant de nombreux gènes, qui crée une prédisposition à la maladie.

Ces résultats renforcent considérablement l’idée que la fibromyalgie est une maladie biologique réelle, liée à des altérations dans la manière dont le système nerveux central traite la douleur. Ils confirment ce que l’article de 2025 sur fibromyalgies.fr avait déjà initié concernant le gène COMT : la génétique joue un rôle dans la sensibilité à la douleur et le risque de développer la maladie.

Pour aller plus loin :

  • ADN : C’est le grand livre de recettes qui se trouve dans chacune de tes cellules et qui contient tous les plans pour fabriquer ton corps (couleur des yeux, des cheveux, etc.).
  • Gène : C’est une « recette » précise dans le grand livre de l’ADN. Par exemple, une recette pour la couleur des yeux.
  • GWAS (se prononce « dji-wass ») : C’est comme un jeu des « 7 différences » géant. Les scientifiques prennent l’ADN de milliers de personnes malades et le comparent à l’ADN de milliers de personnes non malades. Ils utilisent un super-ordinateur pour trouver les toutes petites différences qui apparaissent plus souvent chez les malades. C’est une méthode de « scan » pour trouver des indices dans l’ADN.
  • Locus (on dit « Loci » pour plusieurs) : C’est l’adresse exacte d’un gène. C’est comme le numéro de la page où se trouve la recette dans le grand livre de l’ADN.
  • Maladie de Huntington : Une maladie grave du cerveau causée par une « grosse erreur » sur un gène précis (le gène HTT).
  • Méta-analyse : Quand les chercheurs regroupent les résultats de plein de vieilles études pour en faire une nouvelle, beaucoup plus grande et plus solide.
  • Pre-print (Pré-publication) : Un article scientifique partagé sur internet « en avant-première », avant que d’autres scientifiques ne l’aient vérifié et validé. Il faut donc être prudent avec ses conclusions.
  • Système Nerveux Central (SNC) : C’est le « chef d’orchestre » de ton corps. Il est composé du cerveau et de la moelle épinière. C’est lui qui reçoit et envoie tous les messages (comme la douleur).
  • Variante : Une toute petite différence dans une recette d’ADN. Ce n’est pas une « erreur », juste une version un peu différente (comme mettre du sucre vanillé ou de l’extrait de vanille).

Vers une image plus claire de la maladie

Ces nouvelles études, si elles sont confirmées par les pairs, marquent une étape importante. Elles ne fournissent pas une « cause » unique à la fibromyalgie, mais elles renforcent massivement la piste d’un trouble du système nerveux central, basé sur une prédisposition génétique.

L’identification de gènes spécifiques (comme HTT, GPR52, etc.) est cruciale. Elle permet aux chercheurs de ne plus chercher à l’aveugle : ils peuvent désormais se concentrer sur les voies biologiques précises contrôlées par ces gènes pour comprendre exactement ce qui dysfonctionne dans le traitement de la douleur.

Loin d’opposer les pistes (génétique vs auto-immune), la recherche dessine le portrait d’une maladie complexe, où une prédisposition génétique pourrait être « activée » par d’autres facteurs (infections, stress, auto-immunité ?).

Pour les millions de patients, ces avancées valident la réalité biologique de leur souffrance et ouvrent, à terme, la voie vers des traitements qui ne se contenteront plus de gérer les symptômes, mais qui pourraient cibler les racines mêmes de la maladie.

Pour en savoir plus :


Dictionnaire de l’article

  • ADN (Acide Désoxyribonucléique) : La molécule qui porte l’information génétique dans toutes les cellules vivantes.
  • Gène : Un segment d’ADN qui contient les instructions pour fabriquer une protéine ou une molécule fonctionnelle.
  • GWAS (Genome-Wide Association Study) : Étude d’association pangénomique. Méthode de recherche qui scanne les génomes de nombreuses personnes pour trouver des variations génétiques associées à une maladie particulière.
  • Locus (pluriel : Loci) : L’emplacement physique ou la position spécifique d’un gène sur un chromosome.
  • Maladie de Huntington : Une maladie neurodégénérative héréditaire causée par une mutation spécifique du gène HTT. (L’article source français traduisait la protéine Huntingtin par « chassetine »).
  • Méta-analyse : Une méthode statistique qui combine les résultats de plusieurs études indépendantes sur un même sujet pour obtenir une conclusion plus robuste.
  • Pre-print (Pré-publication) : Une version d’un article scientifique partagée publiquement avant son évaluation formelle (validation par les pairs) pour publication dans une revue.
  • Système Nerveux Central (SNC) : Comprend le cerveau et la moelle épinière. Il contrôle la plupart des fonctions du corps, y compris le traitement de la douleur.
  • Variante (ou Polymorphisme) : Une différence dans la séquence d’ADN entre individus (par exemple, un changement d’une seule « lettre » dans le code génétique).

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