C’est bien ce qui ressort de la prise en charge des personnes atteintes de fibromyalgie.
Une forte frustration des équipes soignantes, exaspérées par le peu de moyen disponibles pour une prise en charge adaptée.
Une impuissance complète à promouvoir les recommandations adaptées actuelles, qui sont peu acceptées et reprises par les malades.
Et enfin un manque complet de consensus sur ce qui doit être fait, et possible de faire.
Et nous sommes de cet avis. Il est inconcevable que, même si nous connaissons un peu mieux (très peu) la fibromyalgie, son déclenchement est toujours inconnu, son évolution est imprévisible, son traitement est toujours aussi peu efficace et souvent inconstant, et la prise en charge est totalement particulière, et fonction pour beaucoup des a priori des soignants.
Nous en sommes encore à nous demander si nous parlons de fibromyalgie ou des fibromyalgies.
Les théories actuelles sur la sensibilisation centrale, le système autonome ou le système périphérique, ou un mix des trois ne parviennent pas à clore les discussions qui ne débouchent encore sur rien.
En dehors d’une hypersensibilité, de strates d’individus semblant répondre aux mêmes difficultés, et de maux que l’on peut retrouver dans tant d’autres maladies, rien ne permet à ce jour de dire que l’on sait ce qu’est la fibromyalgie.
La fibromyalgie n’est pas mortelle, n’empêche pas de vivre. Beaucoup d’articles sur la question sont publiés, sans pour autant qu’il en ressorte de grandes découvertes.
La frustration se retrouve du côté du malade qui ne sait pas ce qu’il a, mais le subit, mais aussi du soignant, pour qui la fibromyalgie amène des patients énergivores et chronophages. Avec des résultats souvent si désespérants que la santé mentale du soignant est soumise à rude épreuve.
Du coup, autant le malade que le soignant se trouvent en totale impuissance pour la prise en charge de ce syndrome qui pose question encore à ce jour sur sa légitimité de maladie. Une impuissance qui laisse aujourd’hui pantois, trente années après sa première reconaissance par l’OMS comme maladie. Comment aujourd’hui les nations les plus civilisées, ainsi que les autres, ont elles pu laisser sans sourciller des millions de personnes en souffrance complète, malgré des lois sur le soulagement de cette souffrance, et ne programmer aucune recherche digne de ce nom avant 2020? (et il ne s’agit que d’un état des lieux).
Les malades veulent comprendre, écrivait Carole Robert présidente de Fibromyalgie France en titre de livre il y a déjà longtemps. Mais ils n’y comprennent toujours rien dans cette prise en charge totalement inexistante et au bon vouloir d’une médecine exsangue. Quant aux médecins, ils prennent rarement le temps d’une prise en charge adaptée qui pourrait pourtant faire beaucoup pour le mieux être des malades. Faute de temps, de moyens, de courage, le malade fibromyalgique est seul face à son destin, et n’a aucune idée de ce qu’il doit mettre en place (en dehors de quelques chanceux (?) peut être, acceptés dans les services de la douleur). La frustration peut être à la hauteur de l’enjeu pour le médecin, mais pour le malade il s’agit de sa vie (même si le pronostic vital n’est pas engagé), de son avenir de souffrance, et d’une quête inefficace d’un mieux être inexistant juste atténué par quelques rustines médicales ou cognitives.
A condition que l’adhésion des équipes soignantes et des malades soit au rendez-vous, une prise ne charge multidisciplinaire est peut être (sans doute) la base d’un commencement d’une prise en charge à la hauteur de l’enjeu. A ce jour, à de très rares exceptions près, celle-ci est très inexistante, en dehors de quelques expériences hospitalières, de réadaptation à l’effort, de changement de régime, d’activités artistiques ou méditatives.
Chacun y va de sa petite sauce, de son petit protocole, de son opinion, pour enfoncer des portes ouvertes.
Aucun projet de recherche actuellement, (et ce n’est pas faute de demander des cohortes suffisantes), aucune prise en charge coordonnée au niveau national, ni mondial.
L’Organisation Mondiale de la Santé , l’académie de médecine, la Haute Autorité de santé (qui devrait pourtant commencer à revoir ses recommandations de 2010 sur la demande de l’association Fibromyalgies.fr et ses partenaires) ou la sécurité sociale ou la Direction générale de la santé ou celle de l’organisation des soins n’ont à ce jour quasiment rien proposé ni mis en place de manière claire et ferme.
Nous en sommes toujours et encore à tester des activités physiques diverses, des soins de bien être, des médicaments, ou des distractions du cerveau et de l’esprit pour améliorer l’indice du mieux être avec la douleur.
Avec un succès proche de zéro. Ou une amélioration de principe. Quand ce n’est pas un simple effet placebo.
Les médicaments peuvent avoir un certain succès, pour un court laps de temps, les procédés divers à base d’électricité ou d’ondes aussi. L’activité physique adaptée manque cruellement de recul.
Ce qui fonctionnera pour l’un ne fonctionnera pas pour l’autre. Il faut actuellement du temps pour tester, recommencer, avancer, innover. Et trouver non pas ce qui fonctionne, mais tout ce qui fonctionne.
Et en ce sens, c’est bien à ce stade que nous sommes encore et toujours. A tester, sans savoir ce qui peut ou va marcher.
Il nous faut justement tester, pour avancer.
Et vite. Nous venons de perdre 30 ans, quasiment. Le temps qu’il aura fallu pour tester et vaincre définitivement le scorbut par exemple…
A ce rythme il nous faudra encore des années pour proposer des protocoles tenant la route, et efficaces. En attendant les malades souffrent. Sans espoir.
Un exemple récent d’un programme test (nommé FACE) propose des approches d’éducation, d’exercice, de thérapie cognitivo-comportementale et de pleine conscience, avec une équipe pluridisciplinaire, et met en relief la difficulté d’acceptabilité du programme.
Ajoutons que même le découpage de ce programme n’est pas forcément le bon, puisque à ce jour, peu de mises en situation réelle ont pu voir le jour.
McIlroy, S. , Vaughan, B. , Crowe, H. et Bearne, L. ( 2022 ). Les expériences et l’acceptabilité d’un nouveau programme multimodal pour la prise en charge de la fibromyalgie : une évaluation qualitative des services . Soins musculosquelettiques , 1 – 11 . https://doi.org/10.1002/msc.1672